Joyeuses fêtes

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Joyeuses fêtes 

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C’est en Bretagne, mais à quelques pierres de granit près, ce pourrait être n’importe où en France, dans une zone périurbaine peuplée de petits pavillons jumeaux, agencés en d’innombrables lotissements à la structure labyrinthique.

Tous les ans à l’approche des fêtes, la traditionnelle frénésie des décorations de Noël y reprend son cours, habillant les façades impersonnelles de joyeuses guirlandes multicolores.

Dans ces quartiers standardisés, aux maisons rigoureusement identiques et symétriques, les habitants personnalisent pour un temps leur espace individuel, affichant ainsi leur singularité tout en affirmant au voisinage leur appartenance à cette grande célébration annuelle de l’esprit de Noël, où le bonheur s’impose.

Arborant fièrement les signes extérieurs d’une joie ostentatoire,les pavillons se parent ainsi de mille et une décorations à la disposition plus ou moins anarchique.

Dès la nuit tombée, fantaisies lumineuses viennent éclairer palmiers, fenêtres, portails, créant un îlot de lumière et de vie dans ces impasses désertées. Maisons silencieuses, desquelles rien ne filtre au travers des volets roulants hermétiquement fermés, le décor revêt tout à coup des allures inquiétantes, tristes.

Ainsi livrés à eux-mêmes, privés de spectateurs enthousiastes, pères Noël suicidaires pendus aux gouttières, guirlandes maladroitement entortillées en dehors de toute considération esthétique, rennes esseulés semblant rêver d’ailleurs, nous transportent dans un univers ambigü où le gai se teinte de mélancolie, où flottent sentiments équivoques, familiers de ces périodes festives.

Ces “joyeuses fêtes” au goût amer, placardés sur des façades sans âme, se détournent ainsi de leur heureuse fonction, et soumis au seul regard de quelques chats indolents, nous racontent, avec une certaine tendresse, une banale histoire de vanité humaine.