Géorgie du Sud

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La Géorgie du Sud est une île subantarctique située au 54ème parallèle, au milieu de l’océan, à 4 jours de bateau de toute terre habitée.

A l’approche de ses côtes, de gigantesques et blancs sommets surgissant du brouillard évoquent l’île mythique dont rêvait René Daumal dans le Mont Analogue. Une terre secrète, presque innaccessible, coiffée de montagnes si hautes qu’elles mènent vraisemblablement vers l’au-delà.

A leur pieds, la vie s’exprime sans entrave, dans des scènes primitives jouées par l’incroyable faune peuplant les lieux. Libérés des chasseurs de phoques et baleines, surprotégés par la communauté scientifique, les populations de manchots, otaries, éléphants de mers et nombreux oiseaux occupent allègrement tous les rivages.

Cet écosystème fait de la Géorgie du Sud un lieu unique, abritant l’une des plus grande concentration d’animaux au monde.

Cette densité particulière sculpte ainsi le paysage côtier, plages, falaises, rochers, buissons, grottes, îlots…Le moindre bout de terre est investi. Les colonies de manchots royaux redessinent les plages, tandis que les macaronis et otaries mettent la roche à nu et la teinte de leurs rouges excréments, étouffant le tussoc, l’herbe locale, en y faisant leurs nids.

Partout, une rumeur incessante monte aux oreilles, un foisonnement de vie qui s’offre aux rares visiteurs parvenus jusque là.

 

 

“Les îles sont d’avant l’homme, ou pour après” Deleuze. 1953.

 

Cette vision d’une nature intacte, libre, est-elle celle d’une renaissance, d’un scénario à venir?

Les baleiniers norvégiens s’étaient installés en Géorgie du Sud au début du siècle, le lieu présentant à l’époque les qualités idéales pour y établir une industrie de production d’huile. Des générations de jeunes hommes avides d’argent rapide se succèdent sur ces terres hostiles, et des usines, des villages s’élèvent dans plusieurs baies abritées de la côte Nord, devenant le théâtre de tueries et dépeçages systématiques de baleines et phoques.

A la fin des années 60, le marché de la graisse s’effondre et les infrastructures, maisons, navires, sont subitement abandonnées.

De cette sombre époque subsistent aujourd’hui des ruines, au milieu desquelles la nature a repris ses droits. Fragiles épaves abritant des nids de cormorans, tolles grinçantes à l’ombre desquelles les otaries se prélassent, cheminées rouillées flamboyant au soleil couchant, au pied desquelles éléphants et manchots attendent patiemment la mue…Alors que les hommes ont définitivement quittés les lieux, (l’accès aux stations est maintenant formellement interdit à tout visiteur pour cause de danger) les animaux ont naturellement pris possession de ces villages fantômes, intégrant ces nouveaux décors à leur mode de vie.

 

Un spectacle théâtral unique, aux airs post-apocalyptiques, qui exercera longtemps une fascination chez le voyageur revenu à la civilisation, qui évoque avec force l’île “originaire, essentielle” dont parle Deleuze dans l’île déserte, écrit en 1953.

“Réver des îles, (…) c’est rêver qu’on repart à zéro, qu’on recrée, qu’on recommence”.

La vision de cette île hors du temps et des hommes, primitive et sauvage, hante l’imaginaire, et s’impose comme une réponse à bien des quêtes spirituelles, comme un refuge nécessaire à l’esprit.