l'Homme Bleu

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Mais qui est cet étrange personnage à l’allure bourrue qui arpente dans son costume bleu les étendues désertes d’une île perdue, clope au bec, coursant des moutons, chassant le renne, passant de la mécanique à la cuisine, de la ferme à la voile, de la biologie à l’artisanat, avec une énergie inépuisable?

Ce fascinant animal des mers du Sud n’est autre que Jérôme Poncet, navigateur français légendaire pour ses aventures à la

voile depuis les années 70.

Un premier rêve de liberté le lance dans un tour du monde de 5 ans, débuté en 1969 avec Gérard Janichon à bord de Damien, un voilier imaginé par ces jeunes hommes de 20 ans pour devenir des «gitans de la mer». La rencontre déterminante, lors de ce premier voyage, avec le Sud du monde, le pousse à revenir à bord de Damien II avec sa femme Sally, pour un hivernage dans les glaces en complète autonomie. Ces expériences, et celles à venir, ont fait de L’Homme Bleu un pionnier de l’exploration polaire à la voile, et un personnage incontournable des régions australes et Antarctiques.

(cf (Damien autour du monde Gerard Janichon et  le Grand hiver. Sally Poncet ed.Transboréal)

A bord du Golden Fleece, un solide fiftyà coque d’acier gréé en ketch, dont il a fait son camp de base, il sillonne les mers depuis 40 ans, slalomant avec aisance entre fjords falklandais et icebergs du grand Sud qui n’ont plus de secrets pour lui.

Quand il n’embarque pas scientifiques, artistes (comme Salgado par exemple) ou sportifs de l’extrême à son bord, l’Homme Bleu vient trouver repos à Beaver Island, une île nichée au fond d’une baie des Falklands où il s’est installé avec sa famille dans les années 80.

Compromis idéal entre isolement et base stratégique d’exploration, l’archipel est à l’époque le coin le plus perdu de l’Atlantique Sud, un nom exotique dont la mémoire peine à évoquer un point géographique précis, malgré la guerre éclair entre Argentine et Angleterre qui jète quelques mois les projecteurs sur ce bout de terre balayé par les vents.

La famille Poncet réussit à acquérir Beaver Island directement auprès de la compagnie de laine propriétaire basée en Argentine, juste avant que le gouvernement falklandais ne réquisitionne les terres pour les revendre à ses conditions. Une audace qui n'enchante pas les institutions locales, mal disposées à l'ouverture de leurs terres aux "étrangers".

3000 moutons sont le prix à payer pour l’acquisition. Car à cette époque, les terrains ne s’achètent pas en hectares, mais en nombres d’ovins qui en broutent le sol!

Héritant ainsi d’une ferme, Jérôme, qu’une nouvelle aventure n’éffraie jamais, se lance alors dans l’élevage et la production de laine, avec un certain succès qui agace les autochtones.

Entre deux expéditions maritimes, il développe ainsi ses connaissances dans de nouveaux domaines, en quête d’un mode de vie toujours plus autonome et libre, dont la base est de savoir tout faire, et dont le moteur est la curiosité permanente.

Cette île sauvage où la nature est maître est un terrain d’expérimentation inépuisable, un refuge aussi, propice à la

contemplation et à la tranquilité.

Explorateur, rêveur, passionné, mais aussi déterminé et intransigeant, voilà qui fait de l’Homme Bleu un magnifique sujet d’étude, et son histoire une belle leçon de savoir-vivre.