Road-trip dans les Highlands

 

Quelle destination d’Europe peut encore assouvir la soif d’un voyage aventureux, où des paysages bruts, empreints d’une beauté primitive et sauvage, fruits de l’union intransigeante entre mer et montagnes, forment le théâtre d’une histoire légendaire, alimentant le fantasme du voyageur en quête de dépaysement ?

Ce haut lieu de l’exotisme nordique, savant mélange d’hospitalité toute anglo-saxonne et d’extrême austérité d’une nature caractérielle, sur fond d’un sombre passé aux anecdotes sanglantes, n’est autre que l’Ecosse, et sa terre mythique des Highlands.

Les 8 habitants au km2 de la région des Highlands, (joues rouges, accent inabordable, et imperméabilité totale à la rudesse du climat) en font la destination de l’errancepar excellence : rencontres incongrues au gré des vents, road-trip sur les single tracks road qui sillonnent les ¾ du pays, et qu’ils convient d’emprunter pour bien se perdre.

 

Le voyage commence à l’aéroport d’Edimbourg (prononcer « Edinnbrou » pour faire local), où la première aventure consiste en la location et la maîtrise d’une voiture avec volant à droite et conduite à gauche. Véritable prouesse intellectuelle qui mérite quelques tours de parking avant de s’engager sur la vraie route.

L’une des possibilités de rallier les highlands (et d’éviter le passage en banlieue de Glasgow à l’heure de pointe, argument non-négligeable pour le conducteur novice) est le passage par la petite ville de Stirling, avant l’entrée dans le parc National des Trossachs.

Stirling, autrefois capitale du Royaume d’Ecosse, possède un impressionnant château, où la très jeune Marie Stuart fût couronnée en 1543, et le charme de ses petites rues associé à une position stratégique pour le départ d’excursions à la journée en fait un haut-lieu touristique chargé. Les grappes éphémères de visiteurs, touristes ou écossais d’un week-end, y mangent des glaces en arpentant un cimetière romantique au panorama prometteur.

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Pour l’heure, c’est l’appel de la nature que nous entendons, et nous quittons Stirling pour rejoindre des endroits moins civilisés, direction le Loch Lomond puis les Hébrides Intérieures.

Premier sentiment d’évasion en voyant s’éloigner dans le rétroviseur la silhouette de la ville juchée sur la falaise. Sur la route du Parc National des Trossachs, on sent venir la rencontre avec cette terre extrême, monter l’envie de se fondre dans le vide de ces immenses étendues de tourbe et de se faire oublier.

Mais le premier rendez-vous avec la nature ne se fait pas en douceur.

Par un jour gris au ciel plombé, le paysage écossais au sortir de l’hiver ne fait pas dans le mièvre. Ces étendues marrons balayées par des rafales de pluie, parsemées d’arbres morts, et trouées de lochs noirs semblant contenir toute la tristesse du monde, ont de quoi vous coller le bourdon.

Ici, loin de la beauté prémâchée d’une vallée bucolique suisse par une belle soirée d’été, la nature ne fait pas de concessions.

 

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Nous en déduisons que c’est pour cela que les anglais, et à fortiori les écossais, ont inventé le pub. Lieu par excellence de l’ambiance cosy et réconfortante, le pub est un formidable remède à l’austérité régnant au dehors. On y goutte bières locales en tentant d’apprivoiser l’accent écossais avec des discussions cocasses, on se réchauffe avec un bon Cullen Skink, soupe de pommes de terres et haddock, on s’enflamme pour le Glenmorangie, le Tobermory ou le Dalwhinnie, la crème des whiskys de la région.

Mais les éléments ici sont joueurs. Le soleil, parfois boudeur pendant des jours, peut décider de pointer tout à coup son rayon au travers de nuages menaçants, et le marron sans espoir se mue soudainement en une palette complexe d’ocres jaunes et rouges, donnant à la scène toute sa dimension romantique. Le vent y joue aussi son rôle de choix, faisant courir le brouillard sur les sommets encore enneigés, livrant ainsi à chaque seconde un nouveau tableau grandiose et dramatique.

 

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Un spectacle magique, dont la contemplation émue est sporadiquement interrompue par des rafales de pluie horizontale poussant à trouver refuge dans l’abri le plus proche, souvent la voiture.

Le temps, dans toutes ses significations est donc le maître-mot de ce voyage.

Car pour les plus sensibles à cette capricieuse météo, la patience est de rigueur. Les expéditions diverses se font par intermittence, lorsque pour un court temps, le ciel nous fait le coup du bleu, et que naifs, nous pensons pouvoir nous offrir une randonnée au sec, pour invariablement finir pris de vitesse par la tempête chronique, enfilant tant bien que mal une cape de pluie qui finira déchiquetée par la fureur du vent.

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IONA

La première escale de cette incursion dans les Hébrides intérieures est l’île d’Iona, paisible petit paradis qu’on atteint par la pointe ouest de l’ïle de Mull.

Si Iona se visite habituellement dans la journée, couplée à une excursion vers la curiosité géologique qu’est Staffa, y passer quelques jours permet d’apprécier le déroulement de ce fameux temps qui semble s’être arrêté ici.

Le soleil miraculeusement présent pendant ces 3 jours, illumine les plages de sable fin et d’eau turquoise, qui revêtent des allures de paysages de Bretagne du nord. Est-ce la présence de l’abbaye qui diffuse à Iona cette atmosphère paisible et accueillante, contrastant fortement avec la lutte contre les éléments qui nous a emmené jusque là ?

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Car ce petit bout de terre discret fût et reste un ancien et très influent centre religieux, berceau du christianisme écossais, incarné par Saint Columba, un missionnaire irlandais qui en 563 fonda à Iona un nouvel ordre monastique. L’abbaye abrite aujourd’hui la communauté d’Iona, une communauté chrétienne oecuménique très active, qui accueille en son sein des fidèles en quête de recueillement.

 

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Ce petit monde à part, partagé entre éleveurs de moutons et membres de la communauté, jouit d’une harmonie presque surnaturelle, les petits chemins vides de voitures menant à des endroits paradisiaques tel que le golf, romantique étendue d’herbe et de sable paisiblement broutée par quelques moutons, une mer étincelante se cognant aux falaises refermant la baie.

Là, couché au sol, les yeux dans les nuages qui défilent en accéléré, le sentiment d’être ailleurs prend forme.

 

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MULL ET CHATEAUX

Quittant avec difficulté ce havre de bien-être où l’on aurait tout aussi bien pû finir sa vie, la route se poursuit sur l’île de Mull et ses reliefs aussi beaux que variés. Là, au coucher du soleil nous découvrons, juché sur sa falaise, l’impressionnant Duart Castle.

Edifié au 13ème siècle, il appartenait originellement au Clan Mac Lean, et après de nombreuses guerres de clans au fil des siècles, plusieurs années d’abandon qui en avaient fait une ruine, il a réintégré la grande famille en 1911, racheté et entièrement rénové par Sir Fitzroy Donald Maclean.

Même si les west Highlands abritent moins de châteaux hantés légendaires, quelques perles du genre se nichent au fond des baies. Le Duart Castle, mais aussi le Kilchurn, ou le très réputé Eilan Donan Castle…

Majestueusement inscrits dans un paysage pittoresque, ils suscitent la fascination des voyageurs, qui nourris d’effrayants récits, viennent y chercher des sensations fortes.

 

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Mais, lorsqu’ils sont visitables, ces monuments sont souvent dépourvus de charme au dedans, car si proprets et scénarisés, qu’on en vient à penser que leurs fantômes sont des femmes de ménages ou des vieux aristocrates maniaques du rangement.

Un vague parfum de Dysneyland se dégage de ce petit commerce touristique du poltergeist, comme lors de ces visites organisées au cimetière de Greyfiars à Edimbourg dans le tombeau des Covenantaires. Là, discrétement planté devant la grille en attendant son tour, un étudiant tchèque, costume de fantôme sous le bras, a pour job de faire irruption en trombe dans le mausolée à la suite des touristes, évoquant ainsi « Bloddy » Georges Mac Kenzie, le tortionnaire des religieux presbytériens opposés à la Couronne.

Alors qui sait ce que sont les émotions fortes décrites dans ces lieux réputés comme les plus « hantés du monde » ? Hystérie collective ? Ou malgré tout quelquechose inscrit dans les pierres écossaises et qui distillerait encore d’une façon particulière, la violence de ces histoires passées?

 

 

 

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SKYE

Nous quittons Mull par le ferry qui relie Tobermory, la charmante petite capitale, à Kilchoan, sur la côte. De là, quelques heures de route nous amènent à Mallaig, pour reprendre la mer direction l’île de Skye. Car c’est ainsi qu’est fait l’archipel des Hébrides. Lambeaux de terres, myriades d’îles de toutes tailles, séparées par inombrables fjords qui depuis le bateau, offrent des paysages à coupe le souffle.

L’Ecosse est aussi maritime que montagneuse. L’eau est l’élément omniprésent du voyage, sous toutes ses formes, puisque la pluie y tombe plus de 10 jours par mois.

C’est à Skye, surnommée « l’îles des brumes », la plus courrue des Hébrides Intérieures, que se jouent les plus grandes scènes météorologiques d’une pièce écrite à la force des éléments.

 

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Accueillis par les Cuillin Hills, de spectaculaires montagnes surgies des profondeurs de la mer, qui baignent en cette fin d’hiver, dans une inquiétante ambiance post-apocalyptique, on est tout de suite mis au parfum de l’atmosphère mystique et effrayante qui règne sur l’île.

Loin de la surenchère des bed and Breakfast offerte par la ville principale de Portree, le Duntulm Castle Hôtel, niché dans une baie inhospitalière, dévoile son charme désuet à une population ecclectique et clairsemée, du chasseur hollandais old fashioned aux deux jeunes californiens, en passant par une foule de locaux en quête de chaleur et de fish and chips.

On y contemple les ruines du Duntulm Castle le matin depuis le restaurant aux airs de salle de gala déserte, attrapant son thé avec les doigts engourdis par la température glaciale régnant dans toute zone se situant à plus de 5m de la cheminée, unique source de chaleur du lieu.

Le maître des lieux, Kevin, un anglais retraité de la Royal Air Force qui a fait la guerre des Malouines, a trouvé refuge depuis peu dans ce vieil hôtel dont il peine à contenir la dégradation dûe aux tempêtes extrêmes qui sévissent dans la baie.

Chaleureux, il accueille ce petit monde avec un éternel sourire en coin et de croustillantes anecdotes.

Ainsi, c’est à la lueur du feu que nous écoutons la légende la chambre 9 et de ses draps éternellement froissés par la présence d’un être invisible s’asseyant sur le lit. Une vieille dame y serait morte et aurait décidé d’y revenir….Une atmosphère à mi-chemin entre Shining et les Monty python…

Réchauffés par quelques bons whiskys, on s’endort, effrayé par les cris du blizzard sous les portes.

Skye offre quelques randonnées mémorables et assez accessibles, dont la plus fréquentée est le Old Man of Storr, une marche vers un monolite, sorte de menhir géant formé par l’érosion de la montagne.

La traversée des Quiraings moutains est un autre lieu de prédilection des randonneurs. Apparemment, l’été tout est vert, et c’est l’autoroute.

En ce mois d’avril, nous arpenterons seules les crêtes et contemplerons un paysage encore grillé par la neige et l’hiver, à la beauté puissante et mélancolique.

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APPLECROSS

Pour rejoindre la péninsule d’Applecross, il faut emprunter la Bealach na, l’une des plus hautes routes d’Ecosse, et également classée parmi les plus dangereuses du monde. Cette “single track” serpente dans la montagne jusqu’à l’Applecross Pass, et si la météo le permet, offre d’incroyables points de vue sur les Highlands.

Mais nous arrivons au col sous une tempête de neige si violente que sortir de la voiture est impossible. Des rafales hurlantes nous secouent tandis que nous cherchons des yeux lavue tant espérée au travers de l’épais brouillard givrant. Renonçant à l’espoir d’apercevoir le panorama, nous continuons notre chemin et ce n’est qu’un peu plus bas dans la vallée que la péninsule apparaît.

Nous voilà rendues au coeur des Highlands. Des champs de tourbe rouge à pertes de vue, troués de petits lochs, bordant l’océan scintillant. Un ciel toujours dramatique, et quelques sommets enneigés sur l’horizon laissant entrevoir les îles de Lewis et Harris. Des hordes de cerfs se précicipitent sous nos roues sans avoir l’air effrayé de nous avoir si proches.

 

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Le village d’Appelcross abrite environ 200 personnes. Mais malgré les difficultés d’accès, beaucoup viennent de loin pour passer une soirée animée à l’Applecross Inn, où il fait bon déguster un homard face à la mer.

C’est également un lieu de culte important, puisque c’est Saint Máelrubai, un moine irlandais, qui a fondé Applecross en 671, et qui, comme à Iona, y a érigé un monastère influent, aujourd’hui disparu.

 

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GAIRLOCH

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